Depuis que nous accueillons des élèves chez nous pour leur faire découvrir la monte en amazone, mais aussi redécouvrir la monte à califourchon le travail en longe, les longues rênes, le travail en main, nous avons pu constater que souvent, les élèves avaient l’impression de débarquer sur… la Lune ! Et de nous considérer comme des extra-terrestres…
Point de cris, de mouvements brusques, mais du calme, de la gentillesse, un langage clair et des chevaux doux et gentils, dispos et pourtant réactifs, pas du tout éteints, et qui ont tous une personnalité affirmée, que nous respectons.
Entre Othello-le-rottweiller qui joue avec Bonhommet ; entre Idaho qui se sert des cornes de Popeye-le-bouc pour se gratter les naseaux ; entre Ice qui gratouille délicatement le garrot de Pupuce-la-mini-chèvre, il y a peut-être de quoi être surpris. A l’heure des repas, chacun rentre calmement dans son box, et s’installe derrière sa mangeoire, porte grande ouverte, en attendant tranquillement son picotin.
Outre cela, il y a aussi l’éducation même des chevaux qui suscite étonnement : l’habitude du montoir, l’obéissance à la voix en toutes circonstances, la prise en charge des élèves par les chevaux. Cette manière que nous avons de faire confiance aux chevaux pour qu’ils SE et NOUS prennent en charge, cela a de quoi surprendre…

C’est pourquoi nous avons essayé de mettre par écrit le pourquoi et le comment de la relation que nous construisons avec nos chevaux, d’abord par comparaison avec des méthodes ou des pratiques équestres, puis en expliquant notre pratique équestre au quotidien. Nous n’avons ici nulle prétention d’avoir inventé quelque chose d’unique, encore moins celle d’avoir découvert un quelconque Grââl équestre. Nous voulons simplement communiquer ce qu’il nous semble possible de vivre et de découvrir avec nos chevaux… et avec TOUS les chevaux, nous en sommes convaincues …

 

A la lecture de tous les termes utilisés pour désigner la pratique équestre, l’on se rend compte combien sont galvaudés, erronés, prêtant à confusion voire dangereux !

Les éthologues se sont manifestés pour une reconnaissance exacte du terme « éthologique » ayant été accolé très mal à propos au terme « équitation » alors qu’il appartient uniquement au domaine scientifique. Ces deux appellations n’ont rien de commun, et rien à faire ensemble. L’éthologie est la science qui étudie les comportements des espèces, et fait des comparaisons entre espèces. Elle peut nous en apprendre beaucoup sur le comportement des chevaux mais nous sommes très loin d’une notion d’équitation qui se dit « éthologique ».

Qu’en est-il alors de l’équitation « naturelle » ou encore « au naturel » ? Il n’y a rien de « naturel » au sens premier du terme dans l’équitation !

Que dire du Join-up ou du clicker-training… Réfléchissons ! Pour ce qui est du Join-up, le premier contact est de chasser le cheval pour ensuite le faire revenir vers nous, soumis. Or, notre objectif n’est en aucun cas de soumettre le cheval : ce type de relation ne nous intéresse pas, car il n’est pas fiable.

Quand au clicker-training, on utilise un médiateur mécanique pour signifier notre satisfaction. Nous entendons déjà les adeptes de ces méthode crier haro sur le baudet pour les définitions restrictives que nous énonçons. Cependant, c’est là le résumé de ce que nous avons retenu à la lumière de nos lectures

Mais aurions-nous de personnalités tellement pauvres qu’il faille, pour l’un méthode soumettre l’animal, et pour l’autre utiliser une substitut émotionnel ? Ne sommes-nous pas capables d’entrer en contact sans nécessairement vouloir dominer ? Nous est-il impossible de dire « c’est bien ! » en y mettant notre cœur et notre corps et au lieu de cela, faire… click ? Le langage articulé est le propre de l’homme, non ? Alors pourquoi ne pas s’en servir, et travailler dans un silence de cathédrale ?

Essayons de voir les choses autrement. Qui a, un jour jeté son regard sur l’autre ? L’homme, parce qu’il avait faim. Ensuite les choses ont évolué. L’homme voulu faire du cheval son partenaire, pour sa viande et pour sa force. En retour, il lui offrait protection, gîte et couvert. Tope-là ! Ceux qui ont refusé tels l’hipparion (cousin du cheval datant du Pléistocène), ont rapidement disparu. Il y avait donc apport de part et d’autre pour une vie commune. La grande aventure pouvait commencer.

 

Le contact que l’on établit pour la première fois avec un cheval, qu’il soit jeune ou vieux, est donc une demande de participation. « Veux-tu faire partie de ma vie et participer à son épanouissement ? ». En retour, on s’engage à faire partie de sa vie et à participer à son épanouissement . Voilà, tout est dit. On vient avec cette demande et déjà à ce moment-là, le cheval peut dire : « Qu’est-ce que c’est ? » (curieux) « Oui, ça m’intéresse ! » (positif) « Laisse-moi tranquille » (négatif ou indifférent). A noter que depuis les réactions positives sont nettement majoritaire, le cheval étant domestiqué depuis des millénaires, les comportements dits « négatifs » sont rarissimes, et souvent le résultat d’un contact précédent qui s’est mal passé.

Le contact se faisant, on peut parler d’affinités électives. Ensuite, en pédagogue juste et bon, on lui apprend à vivre dans la cellule dans laquelle il a accepté d’entrer pour ensuite étendre celle-ci à toutes les activités que nous aurions envie de faire avec lui, ici et ailleurs. Les choses vont de soi et le cheval est doucement amené à trouver normal le mode de fonctionnement de son environnement (le chien qui vient le chercher pour jouer, le chat qui ronronne sur son dos, la chèvre qui lui nettoie un naseau avec une corne, et la femme ou l’homme avec qui il partage une multitude de choses, etc…).

Nous ne nous plaçons jamais en tant que dominant, mais en tant que leader, ce qui est une nuance importante. Vouloir être dominant, c’est une erreur, car la dominance et basée sur la peur que nous exerçons sur l’autre. Ce n’est pas ce que nous recherchons. En nous plaçant en tant que leader, guidant le cheval dans le dédale des règles et limites, à pied et en selle, nous entrons là en pleine équitation participative. On demande à notre compagnon d’être acteur dans son apprentissage. Et quand cette étape est en cours (elle dure toute la vie du cheval, tant il est vrai que RIEN n’est jamais acquis), on peut passer à l’étape suivante.

 

Mais et le cheval, là-dedans ? Il n’a pas son mot à dire ? Que oui ! A chaque étape de la relation ! C’est très important. Si l’on ne sait pas ce que pense le cheval, comment il se sent, comment il appréhende telle ou telle situation, quelle réponse il donne… on ne peut plus parler de participation et encore moins de dialogue. Car l’équitation dialoguante découle de la précédente. Le cheval nous donne son avis, nous dit ce qui est bon pour lui ou pas, ce qui est correct par rapport à ce qu’il a appris ou pas, nous prévient d’un danger, nous traduit son humeur et s’accommode de la nôtre, devient enseignant à son tour et est un maître sévère et juste, on peut vous l’assurer. Nous sommes deux, avec chacun nos individualités et nos spécificités, et travaillons de concert sur un terrain d’entente. Nous parlons, nous échangeons, nous avons aussi des points de vue divergents qui trouveront leur résolution dans l’écoute et la recherche bilatérale d’une solution convenant aux deux.

 

Idyllique ? Illusoire ? Baratin ? Non. Notre cheval, compagnon de fortune, partage notre fierté ; et compagnon d’infortune, sait nous consoler. Tout est possible avec lui, mais au départ, la balle est dans NOTRE camp.

Texte rédigé par Myriam Tempère, sur base de notre quotidien et de nos échanges avec Titouille, Clarissa, Bonhommet, Idaho, Ysbrand (et bien d’autres)…

Ce texte est une toute petite ébauche de ce que nous construisons au jour le jour avec nos chevaux. Il viendra se compléter au fil du temps, par d’autres observations… Nous sommes loin d’avoir fini notre apprentissage du « parler-cheval », alors que notre compagnon est déjà parfait bilingue « humain-cheval », lui… A méditer…