L'équipe : une cavalière, une amazone et 3 dadous. La cavalière, c'est Mimi, randonneuse émérite et excellente cartographe. Elle monte Bonhommet, petit PRE on ne peut plus facétieux. L'amazone, c'est moi ; et Idaho me supporte vaillamment. Nous avons un porte-paquets de luxe : Ice, mon grand frison, tenu en dextre par mes bons soins le plus souvent. Nous étions déjà partis il y a 2 ans, pour 25 jours et avions la ferme intention de " remettre ça ". Ce fut chose faite en ce début juillet 2005. Direction : les Hautes-fagnes et la frontière belgo-allemande.

 

Départ laborieux : il pleut et le paquetage de Ice gîte, gîte, gîte… Et Daho est chaud, chaud, chaud. Il n'accepte pas que son copain Ice lui colle aux basques… Et moi, je fais comment entre les humeurs de ces messieurs, pour tenir Ice en dextre ??? Bref, premier jour pas trop génial, et étape pas folichonne point de vue itinéraire : on doit traverser la Meuse, sur un grand pont, avec plein de voitures… On a fait un joli bouchon, d'ailleurs ! Arrivée chez ma copine Brigitte, qui est monitrice d'équitation américaine et pratique la méthode Parelli. Malheureusement Brigitte doit s'absenter, mais nous passons une soirée mémorable entre son mari et sa maman, à échanger sur les chevaux. Je suis évidemment inquiète pour mon Daho : son arthrose ne va pas s'arranger, s'il fait l'andouille…

 

Ca commence, les ennuis ! Idaho a joyeusement déconné hier, il a joué toute la nuit, et ce matin, non seulement il boite de devant, mais de derrière aussi. Galère-galère… On selle, on prépare notre petit monde et on se met en route, en priant le ciel pour que ça passe… Et ça passe : mon brave Daho retrouve son allure de jeune homme. Ouf ! Une autre partie de plaisir nous attend : nous devons traverser un réseau assez serré d'autoroutes pour arriver à l'étape. On traverse sur la pointe des sabots une magnifique propriété privée… Pour entrer, aucun pépin, mais pour sortir, c'est une autre histoire : escalade d'un talus, réception dans un fossé, franchissement de clôtures et de rouleaux de barbelés… Là aussi, on fait des petites prières, parfois ! Nous venons juste de franchir notre dernière autoroute par un magnifique pont fréquenté par des cinglés de la vitesse que… FLOUCH !!!!! La drache nationale !!! On a rien vu venir, mais elle, elle ne nous a pas loupées : le temps de sortir les impers, on est trempées… Heureusement, le gîte n'est pas loin, bien chauffé, et on peut s'y sécher. Gîte à la ferme 4 étoiles pour nous, immense prairie pour les dadous : tout ce qu'il faut pour garder le moral !

 

Départ sous la pluie : chose inimaginable pour la randonneuse que je suis : je monte en selle au départ, et à couvert : dans la grange. Les ponchos sont de sortie. Au cours de l'étape, nous comprenons enfin ce que signifie " temps pluvieux variable " : en effet, il y a beaucoup de variabilité dans l'intensité de la pluie : un peu, beaucoup, encore plus, voire l'inondation totale. Le terrain est glissant à souhait, et Ice a beaucoup de peine, avec ses grands pieds : il patine beaucoup. Et chaque fois, le paquetage gîte… Ca énerve Mimi, et ça me tracasse aussi. Nous qui avions si soigneusement équilibré le tout et déjà éprouvé le chargement, voilà que ça ne va quand même pas. Il faut trouver une solution, mais là, il faut surtout avancer pour arriver à l'étape : on est trempées. J'ai 5 couches de vêtements sur moi, toutes transpercées. Les chevaux marchent de travers, c'est épuisant pour eux et pour nous. Une longueur d'appuyers, c'est parfois utile ; 3 km, c'est tout sauf drôle : bonjour le tour de rein ! Arrivés au gîte, la pluie se calme. On étale nos affaires pour les faire sécher. La pluie revient ! Fourte ! On nourrit sous un vrai déluge, et on refait sécher une seconde tournée de vêtements… Galère ! Soirée sympa avec les fermiers qui nous accueillent et avec qui nous parlons longuement des difficultés actuelles du monde agricole.

 
4 heures du mat' : réveil en sursaut à cause de la pluie : ça déluge. Et ça ne s'arrête pas. Il pleut toujours à 8.00, mais cette fois, nos hôtes ont 1.50 mètre d'eau dans les caves de la maison !!! Quand à nos dadous, leur prairie longe un ruisseau qui a débordé : d'un confortable hectare, elle est réduite à une bande de terre en haut de laquelle ils nous attendent, les pauvres. Notre décision est vite prise : la pluie continue, nous pas ! Du moins, pas dans ces conditions ! Nous ferons donc l'étape du jour en van. Je récupère mon transport, fais 2 fois le trajet, et le tour est joué. Vers le soir, enfin, le ciel s'éclaircit, et nous sommes aux portes de l'Ardenne. Notre copain ostéo, qui habite dans le coin, vient nous chercher et nous paye un délicieux resto : rando de luxe, on vous dit ! Inutile de préciser que nous nous couchons… tôt !!!
 
Courte étape qui nous attend, et qui nous permettra de flâner dans les bois. La région est superbe, et très propice à la rando. Nos hôtes d'un jour sont charmants, et Ghislaine se risquera même à un petit baptême en amazone. On se met péniblement en route (c'est toujours comme ça quand on est chez des gens sympas !), et Mimi se plante ! Ben oui : son trajet d'aujourd'hui croise un ancien trajet de rando, et la voilà partie… jusqu'à ce qu'elle éclate de rire : heureusement qu'il est bien difficile de se perdre en Belgique ! Pique-nique de rêve près du séminaire St Roch, dans une immense pâture donc Bonhommet se régale comme un goinfre. Petite sieste en pleine nature pour moi, tandis que Mimi monte la garde. Mes deux dadous s'endorment à l'ombre de la haie, après avoir fait le plein. On reconnaît le tempérament des chevaux au tempérament du cavalier, non ??? Arrivée à Aywaille par un superbe chemin forestier, au JP Ranch exactement. Lieu magique, tenu par Jean-Pierre, un passionné des USA. Il a recréé chez lui l'ambiance western, et on s'y croirait. L'homme est bricoleur, doué de surcroît, et tout est pensé " comme là-bas ". Mimi est ravie, moi de même : c'est chaleureux, un peu folklorique, mais surtout authentique. Les chevaux ont une pâture juste devant nous, et on hérite d'un mignon studio tout en bois brut, plein de chaleur et de confort.
 
Repos ne signifie jamais " dormir " en rando, mais plutôt " réparations ". Mimi a vu que Bonhommet usait son poil aux coutures de sa couverture moustiquaire, il faut donc le protéger. On va acheter de la peau de chamois, et je me colle à la couture. Sur ces entrefaites débarque Catherine, qui n'habite pas très loin. On lui raconte nos péripéties, et elle est toute contente de nous voir " quand même " en bon état. Sur ce, Mimi lui fait part de quelques inquiétudes : un de nos gîtes s'est désisté et ne peut nous accueillir ; un autre gîte n'offre aucun itinéraire intéressant, rien que du macadam ; tandis qu'un troisième nous a téléphoné pour la troisième fois pour nous dire qu'il y avait des pépins d'hébergement. Bref, il faut changer d'itinéraire. Seulement voilà, si c'est relativement facile de trouver d'autres adresses, il faut aussi d'autres cartes pour y arriver, et Mimi n'a pas toutes ces cartes… Nous voilà donc parties à la chasse aux cartes, un dimanche après-midi, du côté de Remouchamps ! Sans succès d'ailleurs. Heureusement, notre hôte, grand randonneur devant l'éternel, pourra nous dépanner. Catherine nous accompagne au souper, apparemment toute heureuse de partager un petit bout de nos aventures, et puis s'en retourne chez elle : elle travaille demain, la pauvre… Nous, on profite du confort du gîte, et de la conversation de JP jusque tard dans la nuit…
 
Le départ d'Aywaille est bien pénible, mais a lieu sous le soleil. JP et son épouse Marianne sont assis, juste devant nous, sur un petit banc, et nous regardent nous agiter comme des abeilles autour de Ice. A Mimi qui leur en fait la remarque, JP lance " Vous nous rappelez le bon vieux temps, où nous partions aussi… " , et il y a plein de rêve dans sa voix… Après une kyrielle de photos, on se sépare, et on longe l'Amblève jusqu'au centre d'Aywaille, puis on monte, haut tout là haut, vers le Belvédère de la Corniche : très jolie vue. Ice gravit ça avec une facilité déconcertante. On continue vers Remouchamps, où on passe derrière le parc animalier. On traverse encore l'une ou l'autre autoroute, et le paysage se vallonne de plus en plus. Et puis grâce à une gentille fermière qui nous trouve un joli chemin de campagne, on monte vers le manège du Jonkeu à Laboru (sud de Liège). Accueil " frais ". Nous sommes chez des dingues de compet, qui regardent avec un dédain non dissimulé nos " canassons " de rando. Pas de barre d'attache, on dort dans un container, la prairie qu'on nous propose est un dépotoir… Ca commence à bien faire ! Pour notre hébergement, on s'en fiche, mais pour nos chevaux, il nous faut le meilleur. Nous allons donc remettre quelques pendules à l'heure, et signifier à ces braves accueillants qu'il nous faut une pâture digne de ce nom, ce qu'on nous dégote en faisant le grimace. La nuit sera mauvaise, avec un cheval fugueur (pas un des nôtres !), qui viendra délicatement nous réveiller au milieu de la nuit.
 
Nous quittons sans regrets aucun le Jonkeu, nous promettant de lui faire sa " publicité ". Ce qui suit n'est pas bien gai : quelques km de macadam nous permettent de gagner la forêt la plus proche. Juste comme nous allons y entrer, nous croisons un sympathique monsieur, qui se révèle être également cavalier randonneur, et qui nous donne une série de bons tuyaux pour nous mener à Eupen. Les forêts de conifères succèdent aux forêts de feuillus, la civilisation s'éloigne, du moins le croyons nous… jusqu'à l'entrée d'Eupen ! Un petit portillon nous permet de sortir de la forêt : Ice passe tout juste ! Et nous voilà de plein pied dans le bruit et la fureur automobile, mais il faut bien passer la rivière… Aussitôt nous reprenons nos chemins des bois, jusqu'à arriver au Jacky's Pony, un poney club situé sur les hauteurs de Eupen, vers Schönefeld. Accueil génial, par Jacky lui-même. Nous héritons d'un petit local tout propret, tandis que les chevaux ont une pâture rase et 2 bottes de foin, le tout assaisonné d'un bon picotin. On passe la soirée à papoter gentiment, Mimi et moi, avant de nous enfoncer dans nos plumes.
 
Le Jackys pony est un poney-club qui héberge 35 shetlands. C'est la pleine saison de stage pour Jacky, qui nous explique qu'il faut beaucoup de psychologie pour apparier enfants et poneys pour la semaine. Les enfants d'ailleurs ne tardent pas à arriver, et ils sont à la fête : voir de gentils " grands " chevaux d'aussi près ! Ice en profite immédiatement pour agrandir son fan club, tandis que Bonhommet distribue les léchouilles généreusement. Jacky en profite pour expliquer aux enfants que je monte sur une " drôle de selle ", et me demande une petite démo : Daho et moi nous exécutons avec plaisir. Et puis en route, pour la forêt. Jacky nous a indiqué un bel itinéraire qui descend jusqu'au barrage de Wessersperre par un parcours didactique très bien fait. On traverse le barrage, et on longe le lac de retenue pendant quelques km d'un tranquille chemin en dur. Ensuite, nous suivrons la vallée de la Helle, qui vers la fin nous réservera une petite surprise. Ca commence par un large chemin carrossable, qui s'avère être le GR 56. Ca se continue par une mince sente qui serpente, toujours le long de la rivière, dans les racines de sapin. Et puis ça s'arrête, en apparence. Mimi est devant, avec Bonhommet et Ice. Moi, derrière avec Daho et la carte. A Mimi qui me demande : " Et maintenant, on fait quoi ? ", je réponds d'une toute petite voix, au vu de ce qui nous entoure : " On grimpe… " Et de fait, nous n'avons pas le choix, il faut grimper. Non pas une belle allée en pente douce, mais un vrai sentier de chèvre ! Mimi prend Bonhommet devant, Idaho s'intercale derrière elle en liberté, et je ferme la marche avec Ice, et on s'y met. Je ne tarde pas à découvrir que je suis plus stable dans la même position que Ice : à 4 pattes !!! Nous avons gravi la moitié de la pente quand je rencontre enfin un accessoire secourable : une main courante. Je m'y agrippe fermement, tandis que Ice, imperturbable, me suit pas à pas. Mimi en profite pour mitrailler l'endroit : joli passage, ma foi ! Un peu plus loin, on repère un endroit sympa pour pique-niquer. Que nenni : après 30 minutes, Ice devient fou, malgré la moustiquaire. Il est attaqué de toutes parts par les taons, le pauvre, et ses compagnons ne sont pas mieux lotis. On abrège le pique nique et on repart vers le plateau des Hautes Fagnes. Que nous verrons très peu. Eh oui, les fanges de fagnes sont ceinturées de hauts arbres, et les chemins en dur qui les traversent sont à distance, en raison du danger. Et là, Mimi et moi sommes extrêmement prudentes : quitter les chemins serait courir droit au suicide ! Arrivée à Sourbrodt où nous sommes accueillies dans une sympathique pension de famille. Les chevaux héritent d'une pâture avec abri, tandis que nous disposons d'une chambre tout confort. Ma seule inquiétude : pour accéder à la pâture, il faut traverser l'écurie, et la porte de sortie est vraiment petite et étroite. Ice doit baisser la tête et son garrot passe tout juste ! Heureusement qu'il est confiant, ce grand cheval, pour passer ainsi partout !
 
Nous quittons Sourbrodt de bon matin, avec un oubli vite réparé : une fois encore, j'ai égaré mon chapeau ! (ça ne m'arrivera plus, c'est promis !) On passe par les campagnes pour descendre vers Robertville et son lac. Mimi a repéré sur la carte un joli sentier qui borde le lac, juste après le pont. Seulement voilà : si le sentier existe bien, son abord est situé dans le jardin d'un hôtel, barré par une jolie barrière portant l'inscription " propriété privée ". Pas de bol ! Nous voilà coincée sur une nationale, avec des camions qui nous frôlent, et pas moyen de trouver un chemin de traverse. Notre calvaire se termine enfin, et nous en profitons pour squatter une superbe pâture pour pique-niquer. Il nous reste à peine 2 heures de cheval pour arriver au CE de Waimes. Nous y sommes accueillis très gentiment par Yvette Stoffels. Une superbe pâture attend nos compagnons, tandis que Yvette nous prépare un bon souper. Nous dormirons dans la cafétaria, après avoir bavardé et surtout obtenu de bons tuyaux pour l'itinéraire du lendemain.
 
Départ sans mal de Waimes, puisque la moitié de notre étape du jour nous a été recommandée par un randonneur du cru. Le paysage est magnifique, et ça grimpe bien ! On s'offre quelques points de vue sur le beau pays de la Salm, et on se réjouit déjà de notre étape du soir. Un bruit fait sursauter les chevaux : c'est un chevreuil qui s'enfuit ! instant magique… Notre journée sera essentiellement boisée : grandes cathédrales de conifères, que j'appelle " des bois morts ". Il y fait sombre, brun, le sol est recouvert d'aiguilles qui feutrent les pas des chevaux, rien ne pousse, rien n'est vert, pas un chant d'oiseau, pas un animal : impression lugubre que celle-là, même sous un beau soleil (enfin !). Belles forêts de feuillus aussi, débordantes de vie. Mimi se goinfre de myrtilles : faut dire qu'il y a sous nos pieds un joli tapis tout bleu ! Bonhommet adore ces haltes improvisées à répétition : il est aussi goinfre que sa patronne, celui-là ! A Recht, c'est la fête au manège. Nos chevaux sont dans une prairie haute, si haute qu'ils n'auront pas de grains. Nous, nous dormons dans un box, sous le bar. La fête est discrète, et ne nous empêche nullement de dormir.
 
Départ discret : le manège est vide, pas trop réveillé. Un gentil randonneur est venu nous chercher pour nous offrir le petit déjeuner et nous donne quelques tuyaux pour de beaux chemins. Déjà on retourne vers la civilisation : après avoir longé l'ancienne frontière belgo-prussienne et ses superbes bornes en pierre, on retraverse une autoroute (très discrètement, par un tunnel à bétail), pour remonter vers les profondes forêts de la Salm. On croise à l'abord des forêts communales de Gouvy un ancien garde forestier, avec qui nous échangeons quelques mots. Mimi renseigne une troupe de scouts égarés (rien de tel qu'une dame à la carte, moi, j'vous l'dis !!!). Aux abords de Courtil, Mimi s'inquiète : où est notre gîte ? Moi, je m'inquiète moins : on va tomber pile dessus ! On fait 200 mètres, et on entend un joyeux : " Bonjour les randonneuses ! " Notre copain Marc Renard et son épouse Sabine nous attendent. Ils nous ont même préparé une merveilleuse surprise : nous dormirons avec nos chevaux, au milieu de leur pâture : un camping car tout confort a été monté pour nous ! Ca, c'est la gâterie majuscule ! Tout ici est pensé pour nous : tréteaux pour nos selles, coin rangement pour le matos, de quoi dormir, salle de bain à notre disposition, et une soirée qui s'annonce mémorable… Elle se terminera à …. Non, décemment, je ne puis vous le dire ! Tout ce que je sais, c'est que Mimi et Marc la termineront à nous tracer un itinéraire de rêve sur les cartes… Entre randonneurs, on a plein de choses à se raconter, plein de trucs, d'anecdotes, de tuyaux, de bonnes histoires, … et on en tombe de sommeil !
 
Oh la belle journée qui se prépare, sous un soleil radieux. Oh que nous avons du mal à quitter nos hôtes ! De fait, départ à 11.00 du matin : un record ! L'étape est courte, mais quand même… Marc, en bon randonneur et organisateur de trecs internationaux, nous a concocté un itinéraire 4 Etoiles , fait de sentes cachées, de passages dont lui seul a le secret, de points de vues magnifiques, de ruisseaux, plaines et bois qui nous enchantent. En ligne droite, entre Gouvy et Bihain, il y a 2 heures de cheval. Par nos chemins détournés, nous ferons le trajet en 5 heures, avec un pique-nique au milieu, qui nous permettra d'assister à la chasse d'un magnifique faucon pelerin. La descente sur le village de Bihain a quelque chose de secret. Petit hameau de pierre, à flanc de coteau, avec ses maisons grises blotties autour de l'église : l'hiver doit être rude, par ici ! La Cense aux hirondelles nous accueille, avec Blandine et Tanguy. Ils ont le gîte, quelques chambres d'hôtes, quelques chevaux, et vivent du tourisme ardennais. Blandine tient le gîte et son mari guide des balades à cheval. Tanguy est autant intéressé par notre matériel que nous par le sien : il a toute une série de selles d'armes. Le soir, le repas sera international, entre une gentille dame hollandaise et sa fille, Mimi en grande forme qui oublie qu'elle est parfaite bilingue, Tanguy et Blandine qui ont des tas de choses à nous raconter, et un autre couple de néerlandais, plus réservé. On rit beaucoup aussi autour d' " Horace-le-vorace ", la corneille apprivoisée qui vient régulièrement réclamer sa pitance. La nuit sera douce et très confortable. Les chevaux aussi feront bon séjour, entre 2 ânesses au sens de l'humour certain, et une jolie jument un peu enrobée.
 
Ca devient une habitude : c'est dur, le matin, de quitter nos hôtes, surtout quand ils sont eux aussi randonneurs. Blandine nous mitraille, tandis qu'on se promet de garder le contact par mail. Tanguy nous a communiqué un itinéraire dont il nous a précisé " ça passe ", une connaissance y étant passée quelques mois auparavant. L'étape n'est pas très longue, et le temps déjà se gâte. Après une très longue drève de forêt, on passe encore une autoroute, par une passerelle à gibier cette fois. Et on traverse un chantier de forêt. Si ce sont les gros engins qui oeuvrent en bordure de parcelles, ce sont les chevaux de débardage qui travaillent à l'intérieur des terrains. Plus loin, nous rejoignons une ancienne chaussée romaine, perdue au milieu des campagnes. Avec un peu d'imagination, ça fait une drôle d'impression, de se dire qu'il y a déjà 2000 ans, des hommes foulaient ce sol avec des attelages. Certes, le paysage n'était pas le même, mais les vallonnements existaient. Heureusement que l'itinéraire nous a été recommandé, sinon nous ne l'aurions pas suivi. Il passe au milieu de plusieurs fagnes, par un tout petit sentier en dur. A un moment, Ice s'écarte un peu de la sente, et immédiatement, s'enfonce jusqu'au genou. J'avoue : je n'y suis pas trop à l'aise. Le soir, nous rejoignons la bourgade de Samrée, où nous attend Josée et sa petite famille. Josée, c'est ma copine de toujours, ma plus vieille amie, on se connaît depuis plus de 20 ans, et c'est avec grand plaisir qu'on se retrouve, bien trop rarement à notre goût. On arrive juste à temps pour décharger les chevaux, sauver notre matériel à l'abri, les conduire dans un champ voisin, et … assister à un orage vraiment très impressionnant ! Comme la cabine électrique du village a sauté, nous ferons un délicieux souper aux chandelles, accompagné d'un petit vin de derrière les fagots. Autant les chevaux se fichent de l'orage, autant, pleutre que je suis, je me réfugierais bien à la cave ! Ce n'est pas une bonne idée, elle est sous eau, l'orage étant accompagné d'un déluge, une fois de plus !
 
Qui dit jour de repos, dit aussi lessives. Josée et moi nous y employons en papotant gaiement. Mimi étudie les cartes, va voir les chevaux et bouquine, entre 2 averses. On en profite aussi pour réparer une des grandes sacoches en caoutchouc, avec un bout de pneu. La journée passe bien trop vite à notre goût, et se termine avec la visite du maréchal ferrant, qui doit replacer les fers de Ice : ça cliquette un peu beaucoup ! Soirée calme, sans orage cette fois.
 
Nous repartons de Samrée avec le moral dans les chaussettes : il pleut ! Josée, bonne marcheuse, voulait nous accompagner un bout de chemin : elle a renoncé. Nous descendons la vallée de l'Ourthe, pour aussitôt remonter vers un joli belvédère qui est aussi un ermitage : la chapelle St Thibaut et sa fontaine miraculeuse : le coin est charmant, et la vue magnifique. Nous traversons beaucoup de forêts de conifères, en pleine exploitation. On passe aussi à côté d'une ferme qui pratique l'élevage des bisons : c'est impressionnant, ces bestioles !!! Juste après un chemin " qui ne passe pas ", on se ramasse une énorme drache ! Les impers nous protègent, mais on sait déjà que le reste de la journée sera pénible… L'étape est longue, très longue. On s'égare dans une propriété privée, dont on ressort à grand peine, et il nous reste quelques km de macadam à faire pour arriver à notre étape du soir. On met pied à terre 2 km avant le gîte, histoire de récupérer un peu de souplesse dans les articulations. 8 heures 30 de selle, il y a de quoi ne plus marcher très droit ! Une fois encore, nous ne serons pas déçues par l'accueil : nous sommes hébergées dans une ferme consacrée à l'élevage de cervidés : 44 Ha où il y a 300 cerfs ! Selon les parcelles, on voit des troupeaux de daguets, un groupe de biches, et … divine surprise : juste derrière notre studio, l'enclos des quelques cerfs reproducteurs, cerfs grandioses avec leurs ramures impressionnantes. Spectacle magnifique et permanent : ces superbes animaux ne sont pas vraiment apprivoisés et conservent tous les réflexes des animaux de savane. On ne s'en lasse pas de les regarder jusqu'à la tombée du jour. D'autant que nos chevaux sont juste à côté de nous, dans un bel enclos (clôtures à 2.50 mètres, électrifiées), entre 2 parcelles à gibier. La nuit est calme et paisible, sous de bons édredons en plumes. Par contre, mon portable n'a pas trop bien supporté la journée : il est mort… par noyade ! Heureusement qu'il nous reste le portable de Mimi pour les cas d'urgence…
 
En nous réveillant, ce matin-là, il fait humide, mais le spectacle est enchanteur : un troupeau de biches s'approche tout doucement de l'enclos où se trouvent nos 3 zouaves, dont Daho qui est couché. Hormis le mouvement léger des biches, pas un bruit, rien… Encore un instant volé à l'Eden… Départ en fanfare, accompagnées de toute la famille Van Beuningen. Hendrik nous pose beaucoup de questions sur les soins aux chevaux, car ses enfants ont envie d'avoir un poney à la maison. Son second est d'ailleurs pendu à la crinière de Bonhommet, insistant pour monter dessus à tout prix, au grand dam de Mimi. On harnache tout notre petit monde, et arrive le Grrrrand moment pour ce tout petit garçon de 4 ans : s'asseoir sur un vrai cheval, et puis prendre les rênes, et partir en balade, tout seul (presque) comme un grand. Sitôt en selle, son sourire en dit long : il est littéralement en extase, le gamin ! Parfaitement à l'aise, il se tient bien droit, sans se tenir : un vrai cavalier ! Pendant ce temps, j'ai pris la benjamine sur mes genoux, au milieu des fourches, et elle gazouille à qui mieux mieux. Quelques centaines de mètres plus loin, il faut bien se séparer… Tandis que le bébé hurle, de grosses larmes coulent dans les yeux du petit garçon… qui explique à son papa qu'il ne veut pas un poney ni un cheval, mais qu'il veut… Bonhommet ! A mon avis, ça va être dur… Grands signes au revoir, promesses de mails, et nous voilà parties : les biches nous suivent du regard…Une journée de plus placée sous le signe des forêts et de la pluie. L'étape est courte, nous faisons un confortable pique nique dans une prairie le long de la Lesse. Divine sieste ! On passe le gué du moulin de Chanly, et croisons à l'entrée du village un monsieur, tout sourire, accompagné de 2 jolies juments en licol. A la question : " Vous connaissez Philippe Corbeel ? ", son sourire s'accentue : " C'est moi ! " Voilà qui tombe bien. Il nous explique où se trouve la maison, et marque quand même un fameux étonnement devant notre équipage : faut dire que Ice prend toute la place, dans ce petit chemin ! L'accueil par Fabienne est tout aussi charmant : nos chevaux ont une grande pâture bien verte, tandis que nous héritons d'une grande chambre sous les combles, dans la vieille maison superbement rénovée du couple. Comme à l'habitude, les langues se délient lors du souper, et nos hôtes nous parlent d'eux : ce sont aussi des voyageurs, dans le même esprit que le nôtre. Ils ont quelques chevaux, et rêvent de repartir pour l'une ou l'autre escapade, mais avec 2 petits enfants, ce n'est pas du tout évident ! Nuit réparatrice et rêveuse : la maîtresse de maison et moi partageons les mêmes goûts en matière d'antiquités, dont la maison est artistiquement garnie…
 
Lorsque nous nous levons, Philippe est déjà parti au travail. Fabienne nous tient compagnie le temps des préparatifs : elle a eu la gentillesse de déranger son maréchal (en congé, le pauvre !) pour nous, parce qu'Idaho a coupé un fer postérieur en deux (par usure), et qu'il lui faut une nouvelle chaussure d'urgence. Ce petit épisode passé, on se met en route : la route est bien jolie, qui serpente dans les forêts des portes de l'Ardenne, mais Daho n'est pas de cet avis. Soyons honnêtes, Idaho n'est pas toujours un cheval facile. C'est particulièrement vrai pour cette rando. Il a chauffé, beaucoup chauffé, et j'ai essayé de palier à cet inconvénient avec l'aide de Mimi, avec de la patience, avec beaucoup de psychologie, et surtout dans la décontraction la plus totale. Et là, après 18 jours de rando, eh bien il est en pleine forme, mon rouquin ! Et ne me l'envoie pas dire. Il chauffe, galope sur place, se met en travers, fait des parades, le tout avec Ice en dextre. J'essaye une bonne part des méthodes habituelles : rien ne marche ! Là, c'est moi qui suis en ébullition : marre, pour une fois ! Je confie Ice à Mimi et décide de défouler mon énervé de cheval. Nous voilà partis au galop, puis au triple galop, sur un chemin bien caillouteux, croyant benoîtement que par cet exercice, je vais canaliser le trop plein d'énergie de cet énergumène. Que nenni ! 3 km plus loin, lui, il est frais comme un gardon, et moi j'ai bien mal au dos : c'est qu'il tape dur, en plus ! J'en reviens à une autre vieille méthode éprouvée : mettre mon diable de spanish au pas, rênes longues, 50 mètres derrière les copains, et flemmarder sans contraintes ! Ca, ça lui convient parfaitement. On trouve une aire de pique-nique sympa, et on regarde passer les cyclistes : nous sommes le long d'un Ravel : on adore ! (hum hum hum !). Par les bois bordant les domaines royaux, on arrive par un superbe sentier taillé dans le roc à l'Hostellerie du Hérock, grand manège de compétiteurs. On nous laisse un local pour le matériel, une grande pâture pour les chevaux, et toute une troupe d'enfants que Mister Ice ne tarde pas à charmer. C'est ici aussi la fête au manège : un BBQ géant nous régale, mais comme nous ne connaissons personne et qu'on nous ignore, nous nous éclipsons discrètement… Le chahut ne nous empêchera pas de sombrer rapidement dans les bras de Morphée.
 
Il n'y a pas grand monde de levé, au lendemain de la petite fête. Nous déjeûnons, préparons nos piques-niques, et allons chercher nos chevaux, qui ont très bien dormi, semble-t-il. La même petite troupe d'enfants réapparaît comme par enchantement, et nous tient compagnie, le temps de harnacher tout le monde. Un dernier signe de la main, nous voilà chemin. On joue à cache-cache avec l'autoroute, que nous passons sous le célèbre viaduc de Custinne. Là, Mimi connaît quelques raccourcis… de derrière les fagots. A une longue route qui descend dans la vallée en serpentant, elle préfère bien sur le chemin de cabris que même les piétons n'osent fréquenter, tellement il est abrupt. Ice s'en sort comme un chef, suis très fière de lui ! Et puis on attaque le plat de résistance de la journée : la longue descente de la côte St Jacques pour arriver au centre ville de Dinant, passer sous le pont de la Meuse, faire le tour du pâté de maisons en suivant les sens giratoires, sous l'œil légèrement ébahi des passants, d'ailleurs ! et puis repasser sur le pont cette fois, sous l'œil cette fois franchement rigolard des mêmes passants, qui en nous voyant passer dessous-dessus, doivent avoir l'impression qu'on tourne un remake d'un film de De Funès ! De là, on se lance dans l'escalade du versant d'en face, pour arriver tout en haut, au Château de Meez, chez Cathy Carryn. Complètement survoltée, Cathy nous accueille en catastrophe : il y a une panne d'eau générale au château, elle a donc du improviser pour nous accueillir, et demain, elle part en concours. Youpie !!! Les chevaux vont en prairie, tandis que nous émigrons chez la maman de Cathy, qui nous hébergera avec une gentillesse et un dynamisme … dignes de sa fille ! Je regrette juste de ne pas pouvoir parler plus longtemps avec Cathy : elle est aussi amazone, et nous avons bien des choses à échanger sur le sujet.
 
Que dire du dernier jour, si ce n'est que… c'est la fin. Il nous reste 15 km à faire, en passant par les ruines du château de Montaigle. A peine parties, il se met à pleuvoir. On mange notre dernier pique-nique à regret. Arrivées au village à 4 km de chez nous, c'est carrément le déluge. Ce n'est pas grave, on a l'habitude, mais là, on en a quand même gros sur la patate. L'accueil à la maison nous fait du bien : Othello, mon gros toutou, est tout content et fait la fête à toute la troupe, Charlie le chat apparaît d'un trou de souris, et miaule avec beaucoup de véhémence pour réclamer son dû de caresses. Popeye et Pupuce, les deux biquets, sont là aussi, et bêlent à qui mieux mieux. On s'assure que tout va bien pour tout le monde, on met nos montures au pré, et enfin, on rentre chez nous. Les sacs, sacoches, boudins à déballer, ce sera pour… plus tard ! On y est, on a réussi, on a bouclé la boucle, et quand même, quelque part, on en est un peu fières…
 

Le bilan de tout ça : pas dégoûtées par la rando mais bien par le climat de Belgique décidément très peu clément (8 jours de pluie, quand même, sur 20 jours de voyage), c'est sûr, on repart l'année prochaine, mais vers d'autres destinations. On a bien envie d'explorer un peu les Vosges ou les Ardennes françaises.

Pour la préparation des chevaux, il est vrai que j'ai péché par excès de confiance et aussi par un peu de malchance. Comme Daho présente un début d'arthrose à l'épaule, je l'ai mis au repos, dans l'incertitude. Et puis le diagnostic est tombé, en même temps que le remède : bouger. Daho a donc été traité et puis remis au boulot, quasiment sur le tas, en rando. Comme il a horreur de la contrainte aussi douce soit-elle, il ne me l'a pas envoyé dire et je ne puis lui en vouloir. Par contre, sa mauvaise humeur a déteint sur ses deux compagnons, et par conséquent sur les deux cavalières, et on avoue que ce ne fut pas rose tous les jours.

Question matos, quelque part, j'ai souffert cette fois de ma selle amazone, pour 2 raisons. La première, c'est que j'ai l'habitude d'une selle rembourrée au niveau du siège avec de l'équigel, ce qui n'est pas le cas de ma nouvelle acquisition. En plus, il faut le temps de casser une selle, et là, ce n'était pas encore fait. La seconde raison, c'est que j'ai un cheval qui, quand il est de mauvais poil, piétine et martèle ses allures, quand il n'amble pas, au pas comme au trot. Mon dos en a donc pris un sérieux coup. Mimi, quant à elle, a décidé de changer de selle : Bonhommet s'est énormément élargit des épaules, et la selle est un peu fermée à ce niveau : il y a des débuts de points de compression. Alors avant que cela ne dégénère, elle ne veut prendre aucun risque.