L’amazone : Tout a commencé par une petit idée, qui traînait dans un coin de ma tête : et si on faisait le « grand 8 » ? Réponse de Mimi : pourquoi pas ? Allez, direction la librairie, quelques magazines équestres (on vous recommande cheval-loisirs et cheval pratique), et surtout les sites internet. Myriam s’est attelée, cartes en main, à penser l’itinéraire, tandis que je m’attelais au téléphone. Le principe a été le suivant : comme nous avions des chevaux en forme, certes, mais pas spécialement entraînés, il fallait choisir de les entraîner « sur le tas », et réfléchir à l’itinéraire en conséquence... Donc Mimi nous a concocté 3 boucles de 5 à 7 jours, détaillées comme suit : la première (4 jours) dans le pays des lacs et avec des dénivelés pas trop importants, la seconde (6 jours) dans le haut Jura montagneux à souhait, et la troisième (5 jours) en pays de Bresse, ressemblant à nos Ardennes et idéal pour un retour au calme après les efforts de la boucle précédente. On a téléphoné partout pour réserver gîte et couvert pour les dadous, et accessoirement pour nous. On a casé le reste de nos ménageries respectives (dans le désordre : deux chevaux, un chien, deux chats et deux chèvres), et on s’est mises en route…

Myr : Quand ils ont vu le van, Bonhommet et Idaho ont compris que cette fois, c’était du sérieux. Départ à 6 heures du mat’ déjà, ce n’était pas trop normal. Jeep chargée jusqu’au toit par notre équipement et les harnachements de ces messieurs, ça voulait dire : « L’aventure commence ! » Et last but not least, on avait même le jerrican d’eau dans le van… De chez Idaho, on a cueilli Bonhommet, et en route pour cette longue transhumance de 10 heures...

L’amazone : Ouiche, 600 km avec mon dadou qui a la fâcheuse habitude de vouloir marcher sur les cloisons du van plutôt que sur le plancher, j’avoue, je n’étais pas rassurée ! Et puis tout s’est bien passé : les dadous se sont endormis en mâchonnant leur foin. On est arrivées à Crenans, notre premier point de chute, en fin d’après-midi. On a fait 3 fois le tour du village avant de trouver l’auberge, mais tout y était très bien : chevaux d’endurance, élevage de biquettes, auberge avec produits du terroir : Mmmh !

Myr : Bonhommet n’avait pas tout suivi : en sortant du van, frais comme un gardon, il a vu un troupeau de chèvres, comme ses 2 biquettes à la maison. Il s’est précipité pour les rejoindre, s’arrêtant à mi-chemin et semant une belle panique dans le troupeau

Bonhommet : Mais, c’est pas les miennes, de chèvres ! Dis, patronne, on est où, là ? ? ? » Idaho, dans sa grande sagesse, a regardé les montagnes d’un air dubitatif… « T’énerve pas, cousin, rien qu’à voir le décor, je peux te dire qu’on va avoir chaud, par ici… »


L’amazone : Francis Baron était un peu sceptique, quand il a vu notre équipage : une cavalière, une amazone, et deux petits spanishs, pour affronter le haut Jura...

Bonhommet : Petits, mais costauds !

L’amazone : N’empêche, il nous a accompagnées jusqu’au premier chemin dans la forêt, en pensant (il nous l’a avoué par la suite) : « Encore 2 inconscientes qui nous reviendront en morceaux… » Et déjà là, ça grimpait comme sur un toit. Idaho, en bel impatient qu’il est toujours, a pris son pas de charge, et est arrivé bon premier en haut, trempé comme une soupe. Pour l’autre farceur, ce fut une autre chanson.

Bonhommet : Pfiou, une grimpette… Dis, patronne, tu me portes ? Non ? Bon, alors tu descends ? Non plus ! Bon, tu enlèves le paquetage, alors ? NON ? ? ? ? Pffffffff, t’es pas drôle, aujourd’hui. Et alors, cet idiot de cousin qui se croit obligé d’aller plus vite que tout le monde ! Oh, une herbe que je ne connais pas ! Dis, patronne, je peux goûter ? Comment ça, « non, Bonhommet, c’est pas le moment ! » Mais c’est que je suis fatigué, moi… Comment ça, on a encore rien fait ! Mais faut être malaaaaaaaade pour randonner dans ce pays de sauvages ! Bon, ça va, d’accord, j’y vais, mais dou-ce-ment ! Et pas me pousser, hein !

L’amazone : Tant bien que mal, nous sommes arrivées en haut de cette première grande montée, chevaux trempés, en se disant : c’est normal, il faut qu’ils apprennent. Ils vont prendre le rythme. Seulement là, Mimi, elle n’était pas trop rassurée : la carte était claire, mais le chemin balisé l’était nettement moins. Les superbes balises oranges promises se transformaient en jeu de piste de nuit pour aveugle ! On s’est donc partagé les tâches : Mimi suivait les chemins sur ses cartes au 20 millième, tandis que je repérais les « indications » dans le décor et les grands point de repère sur la carte au 50 millième. Superbe, d’ailleurs, le décor ! A midi, nous sommes arrivées le long du lac d’Etival.
Hors saison touristique, personne en vue. On est rentrées dans l’eau avec les dadous, ils ont eu l’air d’apprécier. Du coup, on a décidé de pic-niquer au bord du lac. Mimi, ne résistant pas à l’appel de l’eau, a voulu faire trempette. Surprise : l’eau était chaude !

Bonhommet : Du coup, la patronne a grimpé sur mon dos à cru, en maillot de bain, a pris mon copain Idaho en longe, et on a été dans le lac, pendant que l’amazone faisait des photos. On avait un peu peur, Daho et moi, d’autant que ça devenait bien profond, mais ça faisait du bien… Et puis on est revenus près de la berge, et on a fait le plein d’herbe tendre avant de piquer une petite sieste au soleil… Et puis on s’est remis en route… Dans une grande forêt.

L’amazone : En plein milieu de l’après-midi, alors que je pique un petit roupillon en selle, Mimi me réveille : « Ca ne va pas, ça ne va pas ! C’est pas le bon chemin !!! ». Première nouvelle !!! On n’en a pas vu d’autre, de chemin, juste celui-ci, qui, il est vrai, s’étire et s’allonge depuis des km et des km… Mais ça ne m’inquiète pas outre mesure… Mais quand cartographe inquiète, toute l’équipe inquiète ! Et finalement, on trouve l’explication : la carte est au 20 millième, alors que Mimi a l’habitude de travailler sur du 25 millième : les distances sont donc plus longues sur carte, et plus difficiles à évaluer !
Le soir, nous arrivons dans le joli village de Saint-Maurice Crillat, abreuvons les chevaux, et gagnons la maison d’hôtes de Mme Rigoulet. Les chevaux sont mis en prairie juste en face, tandis que nous partageons la table avec des touristes de passage. L’ambiance est très sympathique. Notre chambrette est superbe : les lits sont moelleux, et il fait très très calme.


L’amazone : Réveil en fanfare ! Mme Rigoulet vient me surprendre au saut du lit : « Il y a un de vos chevaux qui se balade dans la rue ». Mimi me regarde m’habiller : je suis en train de battre tous mes records ! Effectivement, Daho est sorti et il broute devant la prairie, tandis que Bonhommet reste sagement près de la barrière. Je vais chercher une corde, un fond de seau, et Daho réintègre la prairie sans problèmes : un poteau ne tenait gère, et mon filou l’a repéré… Houdini a encore frappé !

Bonhommet : Maudit pays ! On était à peine partis de chez Mme Rigoulet que ça a commencé à grimper, à grimper, je vous dis pas ! Arrivés là-haut, la vue dominant le village était superbe, et l’herbe… Mmmmmh ! Tendre à souhait ! je me serais bien attardé un peu, mais la patronne n’était pas trop d’accord.
Et puis on a rencontré notre première spécialité locale : une « barrière à touristes », pour faire un parallèle avec les barrières à gibier. Ici, les paturages sont tellement vastes qu’on ne les clôture pas en petites parcelles comme chez nous, mais qu’on laisse les bêtes aller librement. Ca se présente comme de grands parcs. Les promeneurs ont bien sûr le droit d’y entrer et d’en sortir, en prenant soin de refermer soigneusement les dites barrières. Là, on est rentrés dans un parc, et il y avait un troupeau très sympathique de jolies vaches avec de grosses clarines. J’aurais bien été leur dire « coucou ! »

Daho : Moi, j’étais pas du tout rassuré ! Les vaches, dans mon pays, elles sont noires, pas sympathiques, et sans cloches : ça s’appelle des toros, et on m’a appris à les éviter ! J’ai donc pris prudemment mes distances, cousin. Toi, tu es jeune et fou, faut toujours que tu ailles à l’aventure ! Vous allez bien ensemble, ta patronne et toi ! Je garde mon amazone…

L’amazone : Le soir, après avoir cheminé tranquillement et fait trempette dans plusieurs petites rivières, nous sommes arrivés au centre équestre de Chalain. Accueil plutôt réfrigérant au départ. C’est simple : on nous a superbement ignorés. Nous, on a déshabillé nos dadous, on les a fait un peu brouter à l’ombre, en attendant qu’on daigne nous montrer où mettre nos montures pour la nuit, où ranger le matériel, et où caser nos modestes personnes. Finalement, on nous a indiqué une prairie un peu plus loin, où il n’y avait pas d’eau. Au souper, on a fait la connaissance de 2 apprentis trequistes : ces deux messieurs venaient de la région parisienne, et suivaient un stage de TREC. Ils étaient très étonnés de voir deux femmes seules, avec armes et bagages crapahuter dans le Jura, tout simplement. Nous avons discuté matériel, chevaux, et la soirée s’est terminée bien trop tard pour être raisonnable.


Bonhommet : La journée a bien commencé : un mitraillage de photos en règle, avec 2 sujets principaux : ma très longue crinière et les paquetages de cousin Idaho. Ca a un côté très pratique de voyager avec une amazone, finalement : cousin Daho porte tout l’excédent de bagages, vu qu’il a plus de sacoches que moi! Et puis il faut voir le contraste entre son chargement et le mien ! Chez moi, c’est vieilles sacoches et latigos à gogo ; chez lui, c’est paquetage carré et militaire, couleur brun camouflage ! Quelle fine équipe !!! Ensuite, on fera trempette dans la rivière : il y a même des truites qui vont se faufiler entre mes pieds !

L’amazone : Il fait chaud, et nous cheminons le long de la Cibelle, jolie petite rivière que nous devons traverser.
Or, de gué, point. Plus exactement, le sentier mène au gué, mais il n’y a pas de sentier pour quitter le gué.
Nous nous aventurons sur le versant opposé, mais ne trouvons toujours pas de sentier. Et puis Idaho, toujours un peu fureteur en ce cas, me montre une sente, mince, mince, mince, et surtout pleine de roches et de troncs, et qui monte, qui monte, qui monte. Idaho s’engage donc, et nous n’avons pas couvert les 10 premiers mètres qu’un énorme tronc barre la sente. Idaho l’enjambe tant bien que mal, Bonhommet de même. Quelques dizaines de mètres plus loin, autre tronc, et autre enjambée. Ces troncs sont énormes, et nos montures s’y raclent le ventre. Bonhommet fait même du ramping pour passer. Et puis, alors que la sente monte toujours, nous nous trouvons face à un véritable enchevêtrement, Daho et moi. Mon brave dadou se déporte précautionneusement vers la gauche (du côté du vide), enjambe quelques troncs, puis retourne sur la sente. Bonhommet, qui l’a bien sagement suivi, a voulu tourner trop court, et a une branche, de la grosseur d’un bras, coincée dans le grasset. Qu’il avance ou qu’il recule, la branche le tient par l’entrejambe! Mimi descend, sort sa scie, et entreprend de scier la branche entre les jambes de son petit cheval. Et nous admirons le calme de nos dadous, en pleine situation critique, perdus dans les brousailles, et qui ne pipent mot. Bonhommet, enfin dégagé de sa branche, rejoint Idaho. La sente n’a pas été élaguée depuis… fort longtemps, et nous ne voyons pas le chemin, Mimi et moi. Nous sommes assises à hauteur d’une mer de brousailles très denses, tandis que Daho, toujours en tête, avance comme un chien de chasse suivant sa piste, à l’étage en dessous : je ne vois même pas son encolure, tant la verdure est serrée... La sensation est … indescriptible, et le sentiment de confiance, total : Daho sait ce qu’il fait. Un peu plus loin, enfin sorties de ce chemin quelque peu chaotique, nous nous installons au coin d’un carrefour en plein bois pour pic-niquer. Quelques temps plus tard, des promeneurs nous croisent et se renseignent « pour passer le gué de la Cibelle ». Nous leur indiquons la direction, en leur recommandant de suivre les traces toutes fraîches des chevaux. Une bonne heure plus tard, nous les voyons revenir : ils n’ont pas trouvé la sente, et se demandent bien par où nous sommes passés ! Le soir, au gîte, nous apprenons que notre hôte est le responsable du tronçon que nous avons parcouru. Il nous demande l’état du terrain : nous le rassurons sur le champs : la tronçonneuse est indispensable !!! Très chouette gîte, d’ailleurs, situé dans un camping, et constitué de petits chalets individuels tout confort, et terriblement cosy. Nous nous y serions volontiers attardées pour quelques jours…


L’amazone : En repartant du camping, le lendemain matin, Mimi me propose le choix entre 2 itinéraires : l’un, plus direct, nous ramène à Crenans par l’intérieur ; l’autre, nettement plus long, longe les magnifiques rivages du lac de Vouglans.
Ce lac, tout à fait artificiel, est en fait une ancienne vallée inondée, aux rives très escarpées. Sans réfléchir plus avant, nous décidons de couper la poire en deux, et de faire une partie des rives du lac, pour revenir ensuite par l’intérieur vers Crenans. C’est sans compter sur notre état de fatigue (ça fait 4 jours que nous cheminons) et sur l’humeur de nos dadous (c’est aussi le fameux « quatrième jour » pour Daho, qui passe son temps à s’arrêter en soupirant et en regardant tristement en arrière…). Nous voilà donc parties, sous une fine pluie : ce sera d’ailleurs la seule pluie du séjour.
Avant d’arriver près du lac, nous pic-niquons au milieu d’une espèce de causse, qui rappelle à Mimi les paysages de Lozère. Francis Baron nous a dit que c’était ici qu’il parquait ses brebis à la belle saison, pour pâturer…
Le premier point de vue sur le lac est somptueux : eaux bleues-turquoises, au milieu d’un paysage de montagnes : nous sommes en plein rêve. Le petit côté aventureux de Mimi reprenant vite le dessus, elle me confie avoir très envie de descendre tout au bord de l’eau, et pourquoi pas, faire trempette. Elle a déjà repéré sur la carte un joli petit sentier… que je ne vois pas. A l’usage, il s’agit d’un sentier emprunté uniquement par les chèvres du coin, et me voilà prise de vertige ! C’est raide comme pas possible, il y a de l’eau tout en bas, et voilà Daho qui se met au pas amblé, comme à chaque fois que ça descend un peu fort. En équilibre plus qu’instable, je lutte contre le mal de mer, d’autant que ma selle, sans croupière, se hasarde sur l’encolure de ma monture ! Et j’engueule Mimi bien sûr, que je trouve bien inconsciente ! On n’a pas idée de passer par des chemins pareils ! Heureusement qu’au bout du chemin, il y a une jolie plage de sable blanc, une eau tiède et transparente, qui me font oublier l’itinéraire pour y arriver !
Après, il y aura la remontée du lac vers le village, et puis du village vers notre auberge de Crenans. Cette journée ou l’on avance, calmement, trop calmement, avec un coup de fatigue, et un cheval qui n’a aucune envie de continuer, va me sembler interminable. Heureusement qu’il y a le paysage, qui reste vraiment superbe… Et puis je ne m’inquiète pas : c’est le quatrième jour…

Daho : Un qui semble rudement content de nous revoir, c’est notre hôte, Mr Baron. Il nous inspecte en connaisseur, Bonhommet et moi, et nous trouve en pleine forme, après déjà quatre jours de moyenne montagne. Mr Baron a des pur sang arabes qui font de l’endurance, et ne connaît pas les pure race espagnols, dont il découvre les qualités. Devenu bien bavard, il tiendra compagnie à nos patronnes bien tard dans la soirée, avec un tas d’histoires de cavaliers…

Bonhommet : Ouaip ! Et en plus, il félicite nos patronnes de bien nous mener et de nous ménager, alors qu’on se farcit tout le boulot ! C’est trop injuste !!! J’aime PAS la montagne ! D’abord, ça grimpe ; et puis quand ça arrête de grimper, ça descend ! Il n’y a rien de rien de plat, ici !!!

L’amazone : Et il ponctue ça d’un énorme soupir, à chaque montée et à chaque descente…


L’amazone : nous en profitons, Mimi et moi, pour faire quelques courses à Moirans, et pour envoyer les sacro-saintes cartes postales à nos connaissances. On s’offre même le luxe de paresser, et puis surtout, on refait nos sacoches pour 6 jours d’escapade, cette fois. Nous avons hâte de repartir vers ce qui sera le clou de notre circuit : le Haut Jura.

Idaho : Et on ne seras pas déçus, croyez-moi…


L’amazone : Re-départ de Crenans. Cette fois, Francis Baron, également reporter local pour « le Progrès » a prévu le coup : il nous attend pour faire quelques photos. Il a l’intention de faire un article sur notre randonnée.

Bonhommet : Chic, je suis une vedette !

Myr : Mais oui, mon Bonhommet ! La preuve, c’est qu’en rentrant en Belgique, nous avons trouvé un petit courrier de Mr Baron, avec une copie de l’article qu’il a eu la gentillesse de nous consacrer. Je te signale d’ailleurs que tu as été promu « cheval d’amazone » par la même occasion, alors que je suis toujours à califourchon !

L’amazone : Quitter Crenans est toujours une épreuve assez physique : il y a cette terrible montée d’environ 1 km, pour passer les premières barres rocheuses. Nous cheminerons quelques heures entre bois et clairières alpestres, pour rejoindre le lieu-dit « la montagne », un magnifique alpage avec une énorme ferme typique : l’habitation est ainsi construite que ce sont les bêtes de l’étable qui font office de chauffage central dans la maison. Etonnant ! Mais il est vrai que les hivers sont très rudes. Pour arriver à la Rixouse, il y a une route en bitume, qui descend comme sur un toit. Nous mettons pied à terre, tandis que Daho imite les stars d’Hollyday on Ice à chaque foulée ! Lui qui a le pied si sûr n’arrête pas de glisser, et refuse obstinément de fouler l’herbe : ça m’énerve ! Bonhommet, très sagement, reste sur l’accotement. 2 km plus loin, j’ai les genoux en feu, et je ne suis pas la seule : une descente pareille, ça devient pénible ! Enfin, on aperçoit des chevaux, puis un monsieur, avec un grand sourire, qui nous attend. L’accueil en famille est charmant : on nous a réservé la prairie contigüe à la maison pour nos dadous, et nous avons une grande chambrée pour nous. Aurore, la fille de la maison, décide sur le champs qu’elle veut « Un Bonhommet à crinière ». Elle passera toute la soirée à lui faire des amitiés.

Bonhommet : Je suis une ve-dette ! Je suis une ve-dette ! J’a-do-re !!! Encoooore!!!!!

Myr : Et c’est là que nous rencontrons les Casagrande. Quatre randonneurs : les parents et les enfants : ce sont nos hôtes de la Guiénette, le gîte où nous allons dans 2 jours.

L’amazone : Mimi va s’amuser une bonne partie de la soirée à mettre François Casagrande, grand bavard de son état, en boîte ! Toujours gentiment comme elle sait si bien le faire, mais ce brave homme va vite se retrouver débordé sur tous les fronts ! La famille Casagrande est écroulée de rire devant la mine déconfite de son patriarche, et ça nous promet un séjour de gala dans 2 jours !


L’amazone : Déjà le départ de la Rixouse fut bien pénible pour mes gambettes : le gîte est situé dans un village auquel on accède par une interminable descente, qu’il a bien sûr fallu remonter. Après les 500 premiers mètres, j’ai demandé grâce et suis montée sur Idaho, qui fut assez brave pour me porter. Arrivés là-haut, Mimi s’est mise en selle et nous avons traversé une magnifique vallée d’altitude. Les moissons commençaient tout juste et c’était un véritable ballet de tracteurs, traînant de lourdes remorques embaumant le foin. Nous sommes passées à côté d’un point d’écho naturel, et l’avons bien sûr testé, comme deux gamines ! Nous avons aussi longé des tourbières, c’était très spécial, comme terrain.
Le soir, nous sommes arrivées aux Poncets. C’est un petit lieu-dit de 4-5 maisons, le long d’une grand-route. La dame était très gentille, mais pas trop habituée aux cavaliers, on aurait dit. Une prairie était à notre disposition, qui ne nous a pas trop rassurées, pour une fois : il s’agissait d’un grand enclos, le long de la grand’route, seulement délimité par un filin électrique, presque invisible. Nous avons fait le tour avec les chevaux, et leur avons donné du foin , avant qu’on nous emmène au restaurant. Au menu, une fondue savoyarde. Mimi a adoré, moi aussi. Le tout arrosé d’un petit verre de fendant, et d’un superbe orage. Quand nous sommes revenues au gîte, les dadous dormaient, près de la maison, et ont mangé leurs grains bien sagement, malgré l’orage. Moi, j’étais verte ! Un peu plus tard, second orage, encore plus violent que le premier. Là, noué par la trouille, mon estomac a dit zut à la fondue. Rien de plus désagréable que d’être malade en rando : dans quel état allais-je affronter la journée du lendemain, qui s’annonçait assez physique…

 

L’amazone : D’après le cartes, une grosse étape nous attendait : il fallait descendre 2 fois dans la vallée de la Bienne, et 2 fois remonter : ça signifiait 4 fois 1000 mètres de dénivelées.
En partant des Poncets, Mimi avait papoté avec nos hôtes, qui lui avaient indiqué comment rejoindre la piste du grand 8 par le chemin le plus court. Ca nous a valu de tourner pendant environ 2 heures dans les bois de l’Abbaye de Saint Laurent avant de retrouver notre piste de la veille. Les choses sérieuses ont commencé juste après. Première descente vers la vallée de la Bienne. De là-haut, elle avait l’air bien petite cette rivière, et les pentes pour y accéder bien raides. Les chevaux ont commencé la descente, jusqu’à ce que Mimi, décidément indécrottable, consulte encore une fois sa carte pour nous dénicher un de ses fameux raccourcis. Celui-ci était particulièrement délectable : un vieux fond de torrent, balisé en GR. Pour être efficace, il l’était : il descendait toujours tout droit, coupant tous les lacets de la route. Bene ! J’ai bien émis quelques doutes sur la nature du terrain, mais il paraît que les gros cailloux et galets qui roulent, c’est mieux que le macadam ! Ah bon ? Même en pente ??? Faut croire que oui ! En fait, Mimi déteste le macadam… Mais à ce point !

Myr : Mais allez ! Ca passait bien, non ??? C’est vrai que le monsieur qui nous a vu disparaître dans les buissons du fond de son jardin en disant « Elles ne passeront jamais ! » doit toujours nous attendre, mais ça passait quand même ! C’est le principal !

L’amazone : Nos dadous s’en sont tirés avec les honneurs, en tout cas, et tout seuls : nous étions bien trop occupées à surveiller nos pas pour éviter de rouler jusqu’en bas ! Nous avons ainsi rejoint cette belle rivière très tumultueuse, que nous avons traversée à gué, pour ensuite remonter de l’autre côté.

Bonhommet : comme je commençais à en avoir plein les sabots, de ce pays qui monte et qui descend, j’ai demandé à la patronne de marcher dans les montées. Etonnement, elle était d’accord ! Elle a dit que c’était très dur, que j’étais encore très jeune pour ce gros effort, que ça lui ferait du bien de se mettre en souffle, … Idaho me suivait, sans trop se presser pour une fois, et avec son amazone sur son dos. A un moment, l’amazone a dit : « Je crois qu’on arrive en haut ! ». Las, au tournant suivant, ça continuait à monter… J’ai crû que la patronne allait la manger toute crûe… La sentence n’a pas tardé : « Tu m’en fais encore une comme ça, et tu te retrouves en bas ! »

L’amazone : se méfier quand Mimi dit : « on va prendre un raccourci ». Sur la carte, incontestablement, il s’agit d’un raccourci : c’est une ligne plus droite que la ligne prévue, et qui relie 2 points. Sur le terrain, c’est nettement plus hasardeux. Prenons cet exemple représentatif. Mimi me montre un superbe petit sentier en pointillés, au lieu d’un large lacet de route, qui rejoint pile l’endroit où on doit arriver. Je lui fais vaguement remarquer qu’on dirait qu’il y a comme un rendez-vous de courbes de niveau par là, mais bon… Va pour le raccourci. N’écoutant qu’Idaho, pris d’une envie d’être devant à ce moment, je m’engage dans ce « petit sentier », à pied. Il est magnifique, et raide, et pentu, à souhait. Il descend, il descend, il descend toujours. Jusque là, tout va bien. D’ailleurs, à intervalles réguliers, je rassure Mimi : le sentier est bien visible. Un bon km plus loin, alors que ça descend toujours aussi bien, plus de sentier, comme ça, tout d’un coup. Qu’à cela ne tienne, je crois repérer un passage, 10 mètres en contrebas. On cale les rênes dans les fourches, et on descend, tout les 4 sur nos postérieurs respectifs. Comprenez bien : pas sur nos pieds de derrière, non ! Sur la partie la plus charnue de nos individus, chevaux compris. Ce qui était un passage s’avère une sente de plus en plus vague. On la suit quelques mètres, puis de nouveau, plus rien. On envisage le demi-tour, pour récupérer « notre » sentier. Impossible. Mimi et moi pendulons d’arbre en arbre, à quatre pattes, et n’arrivons même pas à remonter de quelques mètres. Piège… D’après les cartes, nous sommes juste à la verticale d’une barre rocheuse, la prudence s’impose et il n’est pas question de s’aventurer dans cette direction sans reconnaissance à pied. Mimi se dévoue, tandis que je rassure les dadous, qui ne s’en font d’ailleurs pas du tout. Mimi revient avec une mauvaise nouvelle : pas de passage. Elle me suggère de suivre la direction parallèle à la barre rocheuse pour contourner celle-ci, et puis de continuer à descendre. Les chevaux sont toujours en liberté à côté de nous. Impossible de les tenir, d’ailleurs : nous-même avons le plus grand mal à rester debout et surtout à éviter les branches pointues. Finalement, on est passées par un bois de sapins (je vous recommande l’expérience : passer au travers d’un bois très dense de sapins non élagués, en pente raide, et paumées, c’est … unique !) et on a fini par déboucher sur une route, à 100 mètres du carrefour que nous cherchions. On a déshabillé les dadous, qui avaient des bouts de sapin jusque sous le tapis de selle, on a déploré la perte de ma casquette et d’un appareil photo (non, je ne suis pas remontée les chercher !), et on a constaté qu’Idaho avait perdu 2 clous de fer dans la bataille.

Bonhommet : Doué qu’il est, le cousin. Il a réussi à enlever 2 clous d’un fer sans enlever le fer ! Heureusement que la patronne s’y connaît, elle lui a remis sa chaussure vite fait bien fait , et a reçu les félicitations du maréchal ferrant local à la halte du soir!

Myr : C’est juste après ce glorieux épisode que notre amazone nous brillamment démontré (hum hum hum !!!) ses qualités de montagnarde. Nos hôtes nous avaient fait un repérage sur carte pour rejoindre une piste à une autre : il fallait quitter le chemin à une borne, couper à travers un alpage très raide, et viser un buisson quelques centaines de mètres plus haut. Bonhommet et moi, en vieux habitués, avons commencé à grimper en larges lacets, pendant que l’amazone et son pauvre cheval attaquaient la difficulté de front : tout droit ! Après 50 mètres, d’amazone, plus ! A sa place, un soufflet de forge, suant, soufflant, et rouge comme une tomate, quasi incapable d’avancer ! On a pas osé rigoler… Elle se serait vexée !

L’amazone : comme je peinais péniblement à suivre le troupeau, j’ai attrapé la queue de Bonhommet en même temps que les fourches de ma selle, et ainsi cramponnée, ça allait beaucoup mieux pour avancer. Seulement voilà : Bonhommet et Daho, du coup, marchaient beaucoup plus vite, et cette fois, c’est Mimi qui n’arrivait plus à suivre ! En moins de 2 minutes, elle aussi ressemblait à une gargouille ! Arrivés le soir à Prémanon, notre hôtesse s’est quand même étonnée de notre bonne forme physique en nous disant que l’étape que nous venions de faire était particulièrement « physique » : on confirme tout à fait !!!


L’amazone : Mimi, en fidèle émule de Bison Futé, étudie plus que régulièrement sa carte pour nous trouver des raccourcis potentiels. Moi, beaucoup plus sage, je préfère les pistes balisées supposées sans risques. Et bien même une piste balisée peut réserver bien des surprises, surtout s’il s’agit d’un sentier de grande randonnée (les fameux GR) en moyenne ou haute montagne. Ainsi donc, Mimi vient chercher mon approbation en me montrant la carte : en orange, notre itinéraire équestre qui fait une large boucle ; et en blanc, un itinéraire GR qui va tout droit. Moi, ce que je vois, c’est un rendez-vous de courbes de niveaux signalant une forte (très forte) descente. Mais puisque c’est un GR, allons-y gaiement ! Passées les quelques premières centaines de mètres, la pente s’annonce, et quelle pente ! En fait, nous entrons dans un chantier forestier, qui est à l’état de chablis. On croirait un gigantesque mikado ! Mais les balises sont toujours bien là, sur les arbres coupés. Ne voyant rien d’insurmontable, Mimi et moi mettons pied à terre, et commençons à descendre, en pendulant prudemment d’arbre en arbre. Bonhommet applique la technique du schuss, tandis que Daho est plutôt « chasse-neige ». En tête à ce moment, je descend de 2 à 3 mètres, m’arrime à un arbre, et appelle doucement mon dadou. Il descend sur son derrière, en calant les antérieurs. Et ainsi de suite. Mimi et Bonhommet nous suivent sans autres difficultés. A un moment, la pente est vraiment très forte. J’appelle Daho, il cale ses pieds, et glisse… En passant devant moi sans pouvoir s’arrêter, je vois ses yeux s’agrandir… Il s’arrête juste un peu plus loin que prévu, et je me hâte de le rassurer. Quelques 600 mètres plus bas, après de prudentes et nombreuses manœuvres, nous rejoignons notre piste équestre. Et là, Mimi va faire LA chute de la rando, si pas de sa vie. Elle me suit, avec Bonhommet, à quelques mètres. Daho et moi, on est tout juste arrivés sur le plat. Mimi descend encore. Et puis son pied glisse sur un rondin, et voilà Mimi qui termine sa descente sur son derrière. Elle glisse, droit en direction des postérieurs de Idaho. Elle me crie : « Tourne sa tête ! », ce que je fais, et voilà Mimi qui vient s’enficher dans les postérieurs de mon cheval, qui du coup serre les fesses, un peu surpris tout de même. Moi, je suis assise par terre, écroulée de rire ! Mimi aussi, encore cramponnées aux jarrets de Daho ! Quant à nos montures, en vieux habitués de nos fredaines, ils en profitent pour herboriser un peu. En arrivant le soir à Bellecombe, quand nous avons raconté cela à nos hôtes, ils ont bien ri. Et puis surtout ils nous ont dit qu’en région montagneuse, les GR sont réservés aux sportifs accomplis et qu’ils peuvent même s’avérer dangereux. Nous avons eu la sagesse de ne faire aucun commentaire…

 

L’amazone : Le départ de la Guiénette, le gîte de Bellecombe, fut épique. Nous avions rencontré là un groupe de suisses très très sympathiques, qui semblaient fascinés par notre mode de transport et par notre équipée. La différence entre eux et nous, c’est qu’ils avaient fait la fête une bonne partie de la nuit. N’empêche : au matin, quand nous nous sommes mises en route, ils étaient là pour nous dire « au revoir », nos amis suisses.
Lors de notre plus longue étape, nous allons également risquer l’accident, par méconnaissance du terrain particulier au Jura. Nous sommes sur les hauts plateaux, là tout là haut. Le lieu est célèbre : pendant la guerre, ce fut un lieu de parachutage. Il y a même un grand mémorial : c’est la prairie d’Echallon. Il y a aussi un grand carrefour de 9 pistes, mais de balise, point. Ce n’est pas bien grave, on commence à avoir l’habitude. Mimi voit des traces de chevaux, qui correspondent plus ou moins à ce que dit sa boussole, et que nous suivons. La route que nous devons rejoindre se trouve au delà du bois dans lequel nous ne tardons pas à pénétrer. Un muret de pierre se présente, que nous enjambons sans y prendre garde. Bonhommet pénètre de quelques pas dans ce sous-bois, et disparaît jusqu’au ventre. Idaho le suivait d’un peu près, et lui aussi s’enfonce brutalement : le sol s’est dérobé sous nos pas ! Mimi et moi sommes proprement éjectées de nos montures, qui rament comme de fous pour sortir de là… Nous rampons pour les rejoindre, de l’autre côté du muret. Et là commence la revue de détail : tout va bien, nos chevaux n’ont rien, ou presque. Idaho a une petite estafilade à un boulet, et Bonhommet a une longue griffe d’éperon (éperon que Mimi a toujours au pied, complètement plié, d’ailleurs…) Nous, nous avons juste eu … la trouille ! A y regarder de plus près, le muret délimite une zone forestière bien particulière, que nous décrirons plus tard à un de nos hôtes, qui nous félicitera de nous en être tirées à si bon compte : il s’agit de lésines. Ce sont des zones calcaires, qui forment des crevasses profondes de quelques centimètres à quelques mètres, et qui sont souvent invisibles au niveau du sol. On les repères grâce au buis qui y pousse en abondance, et elles sont clôturées de petits murets de pierres sèches. Qu’on imagine des doigts de calcaire, entre lesquels il ne fait pas bon s’aventurer, non seulement on s’y casse facilement un jambe, mais en plus ils constituent un repère pour bon nombre de bestioles fort peu sympathiques !
A peine remises de nos émotions, nous rejoignons enfin cette maudite route. Question : où se trouve notre chemin, en montant ou en descendant la-dite route ? Nous choisissons de descendre la route, et prenons le premier chemin qui se présente. Victoire : de vieilles balises nous attendent. Nous les suivons pendant quelques km, et puis… un énorme tronc nous barre le chemin, impossible à enjamber, à contourner, ou quoi que ce soit. Un coup d’œil sur la carte nous confirme que nous semblons pourtant être sur LE chemin. Mimi me laisse avec les deux chevaux et part en reconnaissance, pendant un temps qui me semble infiniment long. Lorsqu’elle revient, je lui demande l’heure, m’imaginant que nous sommes en fin d’après-midi. En rando, par principe, je ne porte jamais de montre. Surprise : il est presque 20.00… Et nous sommes bien loin du gîte. Après plusieurs essais, nous retournons jusqu’à la route, que nous remontons cette fois, pour prendre un autre chemin, parallèle au premier. Et nous retrouvons des balises ! C’est incompréhensible… Nous nous engageons prudemment dans ce chemin qui descend très fort. Au loin, nous apercevons un lac, comme nous l’indique la carte. Le doute s’envole : nous sommes sur la bonne voie, cette fois encore, avec cependant le doute qui plane... L’altitude fait que la flore change, et nous passons des forêts de feuillus aux cathédrales de sapins noirs. Le soir tombe doucement, ce qui rend cette partie de chemin parfaitement lugubre. Et paf ! Je n’ai rien vu venir, et je viens de prendre une branche en pleine figure : j’ai mal à l’œil et je n’y vois goutte... Comme nous avons déjà eu pas mal de pépins aujourd’hui, je ne dis rien à Mimi, qui commence à jurer. La sombre forêt l’empêche de lire correctement sa carte, nous entendons toute proche une route que nous devons rejoindre, et qui joue à cache-cache avec nous… Bah ! On en est plus à un incident près : « Mimi, je viens de perdre une lentille de contact… » La poisse : perdue pour perdue, ce n’est même pas la peine de descendre de cheval : il fait noir ! Enfin, nous rejoignons la route, la traversons, et montons vers le gîte, juste là-haut. Il est 22.00, il fait noir, et nous ne sommes pas très fières de nous… L’hôtesse nous accueille pourtant avec un grand sourire, et nous rassure tout de suite : il paraît que la plupart des cavaliers arrivent en général vers … minuit ! Ah bon ? On soigne les dadous, et on les met en prairie : nous avons fait 11 heures de selle et n’avons pas trop le courage de faire le tour de la prairie avec eux. Ils s’en chargent tout seuls, et trouvent encore le moyen de faire les fous ! La maman de notre hôtesse nous cuisine une délicieuse spécialité d’omelette fouettée au fromage, ainsi qu’une succulente salade : que c’est bon après cette dure journée ! Nous dormirons comme des anges dans les grands lits à l’ancienne…

 

L’amazone : Le lendemain matin, en bavardant avec notre hôtesse, elle nous explique pourquoi nous n’avons pas trouvé de balise à la plaine du mémorial : la balise est 200 mètres après le carrefour, qui est un lieu de recueillement, et où l’on ne peut rien indiquer… Elle nous explique également que nous sommes retombées lors de notre premier essai sur l’ancien itinéraire du grand 8, abandonné depuis quelques années, mais duquel on n’a pas ôté les balises… Bien imprudent, tout ça… Puis elle s’étonne de ma manière de monter : je lui propose d’essayer. Et c’est ainsi qu’au beau milieu du Jura, à 9.00 du matin par ce beau jour de soleil, avec un cheval sellé avec armes et bagages, je me retrouve à faire un mini-cours de monte en amazone !

Idaho : Ce serait sympa de parler de ma coopération, qui fut totale et dévouée, je souligne !

L’amazone : Merci, Daho ! Notre hôtesse est séduite, mais nous devons nous remettre en route : un longue étape de 35 km nous attend, sous un cagnard étouffant. Et nous traversons la ville de Molinges, prudemment. L’urbanisation ne nous manque pas du tout, et nous sommes bien contentes de quitter cet univers bruyant pour remonter dans la montagne. Le paysage est d’ailleurs très impressionnant, avec ses barres rocheuses qui dominent de profondes vallées. Un petit sentier nous y emmène. Nous suivons toujours les doubles balises oranges. Arrivées à un croisement, les balises semblent toutes neuves, et brillent de peinture. Elles sont tellement énormes, pour changer, qu’on a l’impression de suivre une autoroute ! Voire… A ce croisement, donc, au lieu de tourner vers la montagne, les balises nous conduisent vers l’espèce de balcon de pierre qui domine la ville. Je ne suis pas tranquille. Déjà, Mimi remarque que la zone est dangereuse : il y a des buis partout, signe de lésines. Et puis les balises nous entraînent, avec un demi-tour bien serré, droit vers le vide, et en pleine zone de lésines. Le lieu s’appelle « la grotte de l’Enragé ». Je mets pied à terre, et tandis que Mimi tient les chevaux, j’explore quelques mètres de cette piste maudite. Et ce que je vois m’épouvante : nous sommes au dessus du vide, sur le surplomb rocheux, et à moins de faire demi-tour, cette piste nous conduit droit à l’accident. Nous faisons précautionneusement demi-tour, et retournons à notre premier croisement. Mimi, suivant son flair habituel, retrouve bientôt de vieilles balises, à demi-effacées, et dont nous avons à présent l’habitude. Nous sommes sur notre bonne vieille piste. Arrivées au village le plus proche, une petite fille se précipite à notre rencontre, et propose de l’eau aux chevaux. Son papa nous rejoint bien vite, et nous lui racontons notre étrange histoire d’itinéraire fantôme. Il ne s’en étonne pas outre mesure : le grand 8 traverse des territoires de chasse, et les balises que nous avons vues sont probablement un acte de malveillance destiné à décourager les cavaliers ou à provoquer un accident. D’autre part, rares sont les cavaliers indépendants comme nous qui s’y aventurent sans guide, ce qui fait que le risque d’accident est assez limité.


Repos et petit déménagement en van ...

 

L’amazone : S’il y a bien une étape qui a inquiété Mimi, c’est celle-là. En regardant la carte, Mimi a vu un long chemin : 42 km ! C’était beaucoup ! Du coup, elle a discuté longtemps avec nos hôtes, cavaliers également, pour en savoir un peu plus. Ils nous ont assuré que le parcours était simple, sans dénivelés, sans difficultés, et que ce serait beaucoup plus facile que dans le Haut Jura. Effectivement, l’étape s’avère facile : beaucoup de forêt, et quelques jolis belvédères sur la chaîne du Jura et sur la chaîne des Alpes : au loin, on voit même le Mont Blanc. Nos dadous sont fantastiques : ils avalent littéralement ces kilomètres et en 8 heures de temps, nous sommes à l’étape : une ferme équestre où l’on nous accueille en famille.

 

Bonhommet : Le matin, après le p’tit déjeûner, rien de tel qu’une petite sieste pour se préparer à affronter la dure journée qui nous attend sûrement ! Là, je peux vous dire qu’on est partis en retard… On dormait si bien, cousin Daho et moi !

L’amazone : En arrivant au village de Civria, mon âme d’historienne se réveille à la vue d’une magnifique maison forte. Oh surprise, c’est là que nous logeons, plus exactement dans l’ancienne tour, aménagée en gîte. Deux randonneuses allemandes sont là. Une réflexion nous vient : il y a vraiment peu de randonneurs sur le circuit du Grand 8, et ça nous étonne. Le fermier nous montre une énorme stabulation, dans laquelle nous pouvons poser notre équipement, puis nous indique une pâture : « Vous prenez ce chemin qui monte, c’est la deuxième prairie sur votre droite ». Il fait chaud, et j’ai du mal à marcher, mais on y va, courageusement, Daho et moi. On arrive, 500 bons mètres plus loin, à la patûre ouverte. Nous sommes en plein après-midi, et les chevaux, débarrassés de leurs licols, nous regardent un peu étonnés : « Quoi, on ne va pas plus loin aujourd’hui ? ». Et puis ils comprennent et s’en vont gentiment brouter plus loin. Le soir, au dîner, Mr Bouvard nous fait sourire : « Ils seront bien là, vos chevaux. Ils se laissent facilement attraper ? Parce que ma patûre, elle fait 15 hectares… » Oui, nos dadous viennent tout seuls à notre rencontre, pas de problème de ce côté. Et puis nos hôtes sont très contents : le lendemain, ils partent en vacances, ce qui, pour des fermiers en activité, constitue un exploit. C’est la première fois de leur vie qu’ils prennent des congés ! Pour arroser ça, nous buvons une bonne bouteille de St Amour : c’est la ville d’à côté ! On est en plein pays de vignobles, par ici…


L’amazone : Très courte étape, que celle-ci, avec encore de jolies choses à voir : nous sommes dans les contreforts du Jura, il y a des vignobles partout, et nous verrons même une superbe mule. Arrivée à Chevreaux fin d’après-midi. Nos chevaux sont parqués dans une patûre que nous voyons de notre chambre : on adore. Le centre équestre est déjà d’une certaine importance, et la maîtresse des lieux forme des accompagnateurs de tourisme équestre. Tout ce petit monde se retrouve à la table le soir. Mimi, en grande forme, commence à leur narrer nos aventures. Des rires discrets, on passe rapidement aux grands éclats, et puis au fou-rire général ! C’est la spécialité de Mimi, ça : transformer une simple journée de rando en aventure oscillant entre Laurel et Hardy mixé par Indiana Jones !!! Je lui connais ce don depuis longtemps, et ne m’en lasse pas, en bon public que je suis… Tout le monde en redemande, d’ailleurs !

 

Mimi : le lendemain matin, nos hôtes ne nous laissent pas partir ! Ca, c’est une première. Notre amazone en profite pour aller faire quelques courses en ville, tandis que je répare une couture de sacoche. A midi, pour nous faire honneur, on préparera spécialement pour nous des « pommes-frites », comme on dit dans l’hexagone. Le but avoué de cette entreprise de séduction : que nous restions le plus longtemps possible. Ce qui ne pose pas de problème majeur : l’étape fait à peine 15 km. De nouveau, Idaho et son amazone seront mis à contribution : tout le monde veut essayer cette drôle de selle posée sur un pure race espagnol !

Idaho : Et bien sûr, c’est toujours sur moi que ça tombe ! J’ai été parfait, comme d’habitude…

L’amazone : Leçon numéro un avec Idaho : ne jamais lui laisser la plume, il en profite honteusement ! Nous en étions à notre départ de Chevreaux : nous avons descendu les derniers contreforts du Jura pour plonger dans la plaine de la Bresse.
En fin de journée, nous sommes arrivées dans… un camp de vacances pour jeunes. A première vue, rien d’anormal, à part un environnement assez bruyant. Ils devaient être au moins 60, ces jeunes. Nous, avides de tranquillité, sommes restées près de nos dadous jusqu’à l’heure du souper. En revenant vers notre chambre pour nous changer, on n’avait pas trop envie de se mêler à la foule qui fréquentait les douches. En fait, là, on n’a pas eu le choix : la patronne nous a mis la main dessus, en nous disant d’un ton sans équivoques : « Il reste 2 cabines de douches libres ! Allez-y vite, on vous attend pour le souper ! ». Mimi et moi, on s’est regardées un peu contrites, on a pris nos affaires, et on a plongé ! Sous la douche, fou-rire à nouveau : Mimi, qui occupait la cabine à côté de la mienne, s’est mise à fredonner : « Les joliiiies colonniiiies de vacaaaaaances, ….. ». Le souper nous a fait découvrir un univers surprenant : en fait, ce camp de vacances est un camps un peu spécial : les responsables accueillent des jeunes soit en difficulté, en rupture, soit des délinquants. On sentait une tension terrible, pendant ce souper : les éducateurs étaient sur le qui-vive, et les jeunes étaient près à profiter de la moindre faiblesse. Nous avons terminé la soirée assises dans l’herbe, près de nos chevaux, et pas trop à l’aise. La nuit fut cependant calme et paisible.


L’amazone : Au matin, comme une longue étape nous attendait, nous nous sommes levées avant les jeunes, et avons déjeuné seules avec nos hôtes. Ceux-ci étaient transformés du tout au tout : ils ont parlé des jeunes qu’ils accueillaient, mais aussi de leur passion pour les chevaux, de tous les problèmes de l’éducation qu’on peut rencontrer actuellement et qui atterrissent chez eux bon an mal an : c’était vraiment fascinant de les écouter, de les regarder vivre leur passion, malgré les difficultés. Ensuite, on s’est remises en route. Nous n’étions joyeuses ni l’une ni l’autre : le dernier jour d’une rando, c’est souvent comme ça.
Nous sommes passées par de superbes belvédères, appelés « reculées », donnant sur la Bresse et sur la chaîne du Maconnais, et avons ainsi rejoint Presilly, où nous attendait le van, une chambre 4**** et des hôtes déjà connus et très accueillants.

 

L’amazone : Le trajet aller s’étant passé sans encombres, nous avons abordé le trajet du retour de la même façon. Il faisait juste un peu plus chaud. Les chevaux ont impeccablement voyagé et les 600 km n’ont posé aucun problème. Au retour, on a d’abord déposé Idaho chez ses copains : Clarissa, ma vieille jument, lui a fait la fête. Puis on a reconduit Bonhommet chez lui. Là, ce sont ses chèvres qui l’ont accueilli. Ces vacances très dépaysantes nous ont laissé de délicieux souvenirs, un petit goût de trop peu et une grande question : à quand la prochaine ???